La simulation est devenue un pilier incontournable dans la formation des professionnels de santé, en particulier dans le domaine paramédical comme les soins infirmiers. Pour maximiser l’efficacité de cette méthode d’apprentissage, un aspect crucial ne doit pas être négligé : le débriefing. Selon Dieckmann (2009), « Il n’y a pas de simulation sans débriefing ». Dans cet article, nous explorerons différentes approches de débriefing dont une pour la simulation numérique
Qu’est-ce que le débriefing en simulation ?
D’après la HAS, le débriefing est une étape essentielle du processus d’apprentissage par la simulation. (consultez la fiche de la HAS sur le debriefing). Il s’agit d’une séance structurée qui intervient immédiatement après une session de simulation. Durant le débriefing, les participants ont l’opportunité de discuter de leurs actions, de leurs décisions et de leurs émotions vécues pendant la simulation. Son objectif principal est de favoriser l’apprentissage par la pratique réflexive en permettant aux apprenants de comprendre leurs erreurs, d’améliorer leurs compétences cognitives et comportementales et de renforcer leur expérience clinique (Fanning & Gaba, 2007) Sawyer, 2016).
Les avantages du débriefing
Le débriefing offre de nombreux avantages pour les apprenants. Le débriefing permet de développer la performance, la confiance en soi et la compétence par la pratique réflexive (guidée ou facilitée) des apprenants à l’issue d’une séquence pédagogique expérientielle .
Il permet :
- De la réflexivité collective basé sur les objectifs d’apprentissage établis
- D’analyser des actions
- De comprendre les erreurs sans jugement
- Un apprentissage actif et participatif
- De la critique constructive pour apprendre les bonnes pratiques
- D’augmenter la confiance en soi
- De mobiliser la métacognition chez les apprenants.
Pour Godner : “Le débriefing est un pilier dans le processus d’apprentissage”.
En outre, le débriefing offre une rétroaction ciblée et constructive. Les formateurs peuvent identifier les points faibles des apprenants et faire émerger par le groupe des conseils spécifiques pour améliorer leur pratique clinique (Lapum et al., 2018).
En simulation numérique, le débriefing est tout aussi important et une structure adaptée doit être aussi utilisée. Il facilite la consolidation des connaissances acquises comme le raisonnement clinique (Sim et al. 2022). En discutant des scénarios réalisés avec le formateur (qui est en posture de facilitation), les apprenants renforcent leur compréhension des concepts théoriques abordées et se projettent dans les actions à réinvestir en pratique réelle.
Les différentes approches et modèles
Il existe plusieurs approches de débriefing, toutes modalités de simulation confondues, chacune ayant ses avantages et ses limites. Nous allons explorer plus en détail trois approches courantes puis nous exposerons un modèle pour la simulation numérique:
Modèle R.A.S. (Réaction, Analyse, Synthèse)
Le modèle R.A.S., présent dans le guide de l’HAS 2012, se déroule en trois étapes :
- Réaction : Les apprenants sont encouragés à exprimer leurs réactions émotionnelles face à la simulation. Cela permet de prendre en compte les aspects affectifs dans l’apprentissage.
- Analyse : Le formateur guide les apprenants dans l’analyse de leurs actions et de leurs décisions prises lors de la simulation. L’objectif est de comprendre les raisons qui ont conduit à certaines actions.
- Synthèse : Cette étape vise à synthétiser les enseignements tirés de la simulation. Les apprenants sont amenés à réfléchir sur ce qu’ils ont appris et comment ils peuvent améliorer leurs compétences.
Modèle PEARLS (Promoting Excellence and Reflective Learning in Simulation)
Le modèle PEARLS est un enchainement de quatre étapes :
- Vécu de émotions (Pause) : Chaque participant prend un moment pour réfléchir individuellement à l’expérience vécue lors de la simulation.
- Phase descriptive (Explore) : Les apprenants partagent leurs perceptions et leurs émotions avec le groupe.
- Phase d’analyse (Analyze) : Ensemble, le groupe analyse les actions et les décisions prises lors de la simulation.
- Phase de synthèse et de projection (Replay) : Les apprenants rejouent la situation en intégrant les nouvelles connaissances acquises.
L’advocacy and inquiry est une forme de questionnement pour la phase d’analyse. Les questions sont formulées selon trois étapes: “J’ai vu…, j’ai pensé…et je me demande..
Par exemple : « Guillaume, j‘ai remarqué que vous vous étiez éloigné du patient pour trouver un BAVU alors que les signes vitaux se détérioraient, je pensais qu‘il y avait des moyens alternatifs possibles pour oxygéner le patient (advocacy), donc, je suis curieux, je me demande comment avez-vous vu la situation à cet instant ?” (inquiry).
Modèle « Plus delta »
Ce modèle repose sur un questionnement direct mettant l’accent sur l’auto-évaluation des participants. Ils détaillent les aspects positifs de l’expérience (« plus ») ainsi que les axes d’amélioration (« delta »). Le formateur guide la discussion pour identifier les points à renforcer.
Modèle du feedback direct
Le modèle du feedback direct implique une réponse corrective individuelle et immédiate du formateur basée sur l’évaluation des actions ou des réponses des apprenants. Cela permet un retour rapide et précis pour guider les apprenants vers l’amélioration continue de leurs performances.
La rétroaction en temps réel permet d’apporter des ajustements immédiats et d’orienter les apprenants vers des comportements cliniques ou des connaissances plus appropriés. Le feed back est souvent utilisé comme premier niveau de retour en simulation numérique sur écran.
L’auto-débriefing : modèle dédié au numérique
L’auto-débriefing est une approche qui met l’accent sur l’autonomie des apprenants dans leur processus d’apprentissage après une simulation de préférence faite en distancielle. L’auto-débriefing est « une activité écrite individuelle dans laquelle une série de questions (conçues sur la base d’un cadre théorique de débriefing) facilite la réflexion de l’apprenant sur une simulation réalisée » (Lapum et al., 2018), (MacKenna & Diaz, 2021).
En d’autres termes, l’étudiant répond par écrit à des questions données par le formateur pour favoriser sa pensée critique en lien avec les objectifs du scénario afin de réaliser ce travail réflexif sur la tâche accomplie.
Les apprenants s’auto-évaluent en identifiant leurs actions, leurs erreurs, des éléments du scénario et en réfléchissant à leur prise de décision (Verkuyl et al., 2022).
Cette approche favorise une réflexion individuelle approfondie. Les apprenants peuvent analyser leurs actions et les éléments du contexte clinique en prenant le temps de se les remémorer pour identifier les points à à retenir et ceux qu’ils pourraient réinvestir. Par exemple, un apprenant peut remarquer qu’il n’a pas pris en compte certains signes vitaux lors de l’évaluation d’un patient, ce qui lui permet de se concentrer davantage sur ces indicateurs lors de futures simulations.
L’auto-débriefing encourage également l’auto-responsabilisation (Lire Lapum, 2019). Les apprenants sont incités à formuler des plans d’action pour s’améliorer, à identifier les ressources nécessaires pour combler leurs lacunes et à s’engager activement dans leur développement professionnel.
L’ auto-débriefing est un tremplin (asynchrone) au débriefing (synchrone). Le recours à ses deux méthodes ont montrés leur pertinence chez les étudiants en sciences infirmières (lire kang et Yu, 2018). L’auto-débriefing est le plus souvent utilisé pour des simulations numériques sur écran faite en distanciel puis le formateur reprendra un débriefing synchrone basé sur l’auto-débriefing. Selon Verkuyl, la durée de ce temps réflexif personnel devrait durer au moins 10′ pour être efficient.
Pour plus détails sur le debriefing en simulation numérique : voir l’article “Quels modèles pour le débriefing de la simulation numérique”
L’importance du débriefing
Dans le contexte de la formation en santé, le débriefing joue un rôle crucial quelque soit les modalités de simulation utilisées. Il permet aux futurs soignants de développer des compétences essentielles dans un environnement réaliste et sécurisé.
Si le debriefing est important, son évaluation l’est tout autant. En tout fin de séance, la qualité du débriefing qui a été offert par le formateur, se doit d’être évalué. Si le modèle DASH de l’université d’Havard existe et est traduit en français, un autre modèle aussi complet et simple, l’EOSAD vous est proposé par l’équipe FUTUR de l’Université de Montréal (Canada).
Pour plus détails sur l’évaluation du debriefing : voir l’article “L’évaluation du débriefing, l’ultime étape/Comment évaluer votre debriefing”
Conclusion
Le débriefing en simulation numérique est un pilier indispensable de la formation paramédicale. En fournissant une rétroaction ciblée, en encourageant la réflexion et en favorisant l’apprentissage collaboratif, le débriefing permet aux apprenants d’exploiter pleinement les avantages de la simulation numérique dans leur parcours de formation.
En intégrant des approches de débriefing variées, les institutions de formation en santé peuvent optimiser l’efficacité de la simulation numérique et préparer les futurs professionnels de santé à relever les défis cliniques avec confiance et compétence. Le débriefing, en tant qu’outil d’amélioration continue, contribue à former des professionnels de santé compétents, sûrs et réfléchis, prêts à offrir des soins de haute qualité à leurs patients (Denis Oriot, Professeur de médecine de l’Université du CHU de Poitiers, expert en simulation et Guillaume Alinier).
“Le débriefing, en tant qu’outil d’amélioration continue, contribue à former des professionnels de santé compétents, sûrs et réfléchis, prêts à offrir des soins de haute qualité à leurs patients”
Denis Oriot, Professeur de médecine de l’Université du CHU de Poitiers, expert en simulation.
Partager cette publication: